Comment bien «nourrir en retour»?
La gestion des RH implique de communiquer avec les employés
Il est des anglicismes qui sont omniprésents dans notre vie professionnelle. Le feed-back en est un, clé de voûte du management au côté de principes comme la confiance et la motivation, qui représente un lien tangible entre les individus dans la gestion des ressources humaines de l’organisation.
Communiquer
La traduction littérale de ce terme est qu’il «nourrit en retour». Les collaborateurs qui nourrissent l’entreprise avec leurs prestations doivent être «nourris en retour». En premier stade par un salaire. Mais ce n’est pas tout et aujourd’hui plus suffisant, les besoins de l’être humain ayant évolué sur la pyramide de Maslow et les attentes dépassant nettement les besoins primaires. Pour qu’un employé, femme ou homme, progresse, se sente épanoui et reconnu dans sa fonction, il doit être nourri en retour par un autre principe du management: la communication! Quelque chose qui lui prouve qu’il existe en tant qu’individu et qu’il n’est pas qu’une ressource, même humaine.
Connotation négative
On ne compte plus les articles, les séminaires et les formations sur ce thème.
Paradoxalement, prenez n’importe quelle enquête de satisfaction des collaborateurs et vous découvrirez que le feedback des managers ne bénéficie pas de la meilleure des appréciations, et de loin! L’opinion des collaborateurs envers la qualité du feed-back s’exprime par un manque chronique de «nourriture en retour» et la connotation négative liée à ce feed-back. «Quand mon supérieur hiérarchique me parle ou m’écrit, c’est pour me faire des reproches» est une remarque qui revient régulièrement. Pourquoi cela? D’une part parce que les moyens de communication actuels sont source de distance comme l’email, autre anglicisme que l’on a francisé en «courriel». D’autre part parce que le ressenti des collaborateurs porte plus sur le feed-back négatif que le positif.
L’usage fréquent du courriel
Le courriel accroît la distance dans les relations interpersonnelles. Il est fréquemment à l’origine de tensions, voire de conflits. Car écrire est tout un art qui mérite réflexion. Et les dimensions d’immédiateté et de «droit au but» qui collent au courriel n’y sont guère propices. Pourquoi alors l’utilisons-nous autant? Parce que c’est plus rapide que de téléphoner à son interlocuteur ou d’aller le voir à son poste de travail? Parce qu’on n’a pas besoin d’attendre que l’autre soit disponible? Parce qu’on peut l’envoyer à n’importe quel moment? Parce que c’est plus simple – et plus lâche – d’écrire à quelqu’un des choses désagréables, plutôt que d’au moins commencer par les lui dire en face? Parce que c’est un moyen de preuve, pour l’autre et/ou pour soi-même? Parce que c’est la mode? Probablement pour toutes ces raisons et encore plein d’autres, certaines très louables et d’autres moins avouables.
La perception
Il n’empêche que donner un feed-back par écrit n’a pas le même impact auprès des collaborateurs que le donner en direct. Utiliser le courriel lorsque les interlocuteurs sont plusieurs peut aisément s’expliquer pour des questions pratiques. L’employer comme premier mode de communication dans des relations bilatérales est plus difficile à justifier.
Et puis, il y a la perception subjective du récepteur du feed-back, le biais cognitif. Lorsque le feed-back est négatif ou critique, il reste longtemps dans la mémoire de celui ou celle qui le reçoit, d’autant plus s’il est donné par écrit. On le sait bien, «les paroles s’envolent, les écrits restent.»
Et lorsqu’il est positif, le feed-back est vite oublié, un peu comme les primes reçues… D’ailleurs, il paraît qu’il faut au moins cinq compliments pour compenser une critique et rétablir ainsi l’équilibre!
Il est temps du «feed-back» positif
Alors, après plus de deux ans pendant lesquels le négatif a souvent primé sur le positif – crise sanitaire, crise économique, crise militaire, bref… crise «tout court»! – il est temps de penser positif, de le dire, de le répéter et de l’écrire. Il est temps de sensibiliser – voire former – les managers au «feed-back positif». Sans verser dans la méthode Coué ni imaginer que nous vivons dans un monde de bisounours, c’est le moment de célébrer les victoires, petites ou grandes, de conscientiser les moments agréables qui font du bien à notre cerveau, de cultiver la gratitude et le compliment. Dire merci, remarquer le travail bien fait, féliciter, valoriser, se rappeler que rien n’est dû ni ne va de soi, sont les recettes à appliquer pour mieux vivre, tant au niveau professionnel que privé. Dans la période actuelle, elles sont incontournables.
Isabelle Gessler
Directrice A.I.
Clinique Romande de Réadaptation (SUVA)