Diversité et 360° de la dynamique de la confiance (épisode 2)
J’ai souvent été conviée à des évènements d’entreprises afin de m’exprimer sur un sujet qui me tient à cœur la diversité. Je voudrais vous partager une de mes expériences dans ce domaine.
Je n’ai jamais fait partie d’un Network féminin ou programme de « Talents ». Atypique, je voulais absolument éviter d’entretenir l’idée communément admise par certains messieurs que nous échangions des bons plans, des recettes de cuisine pour ne pas craquer au boulot et être moins émotives par exemple. Et justement cela m’emmène à la question du « Vivre mes émotions en entreprise ».
Mon 360° de la dynamique de la confiance.
Malgré les préjugés, Dieu merci les mentalités ont bien évolué, ce sont des managers hommes qui m’ont fait confiance et m’ont porté vers le dépassement de soi et une meilleure compréhension de mes capacités et le développement de mes compétences.
L’inconnu prend pour moi des formes multiples : j’ai occupé de nombreux postes où il fallait reconstruire et surtout tout créer, le poste, la stratégie, recruter les équipes ou les former vers un nouveau métier, sensibiliser aux nouveaux enjeux… Dans tous les cas atteindre des objectifs business / faire coopérer des personnes pour atteindre ces objectifs comme dans beaucoup de métiers finalement.
Quels sont les mécanismes que j’ai pu décrypter avec mes équipes, mes pairs et ma hiérarchie ? C’est un jeu à 360°, tout est lié… ces relations s’enrichissent et complexifient davantage le jeu de la confiance et la coopération qui en découle.
Épisode 1 – La confiance avec les membres de mon équipe
La confiance avec mes managers
La liberté confiée n’a de valeur que dans l’autonomie accordée
Mes managers m’ont toujours accordé beaucoup d’autonomie. Inspirée par des personnes charismatiques, poussée au-devant des sujets, mise en avant, j’ai été poussée à l’action et ne devais pas renoncer. Face à des obstacles, je me devais de venir avec des propositions, des solutions.
Lors de mes entretiens de recrutement, il m’a été clairement dit que j’avais tout à construire ou rebâtir dans mon poste de responsable de communication audit – inspection.
Cette liberté, outre le fait de m’avoir donné confiance, a renforcé la coopération dans un enthousiasme et une énergie créatrice car je pouvais montrer ma crédibilité et ma fiabilité face à cette confiance en livrant des outils de qualité notamment. Tout commence par un audit, il s’agit de se lancer avec les bons arguments mais la confiance aide à être bien inspirée, voire à écouter les signaux faibles et éviter les éléphants dans le couloir !
Pour être féconde, cette liberté se couple avec l’autonomie. L’autonomie ne veut évidemment pas dire se débrouiller seule mais savoir demander de l’aide en cas de besoin. Le champ d’actions a été très vaste et l’autonomie très grande au départ de la collaboration et j’ai pu constater que tant que j’avais la même représentation de la situation que ma hiérarchie, cette autonomie était totale…
J’effectuais le reporting régulier de mes activités, en mettant en perspectives les difficultés rencontrées pour formuler l’aide dont j’avais besoin, face à des interlocuteurs qui ne m’avait, eux pas donné leur confiance… Mes réalisations ont été proportionnelles à la confiance et l’autonomie accordée. Le micro-management, fréquent en période tendue et de conduite du changement, n’a causé la rupture de ma motivation et de mon rendement, rupture de la confiance car interprétée comme un manque de confiance en mes capacités. La vraie question est comment laisser l’espace nécessaire à son collaborateur dans la mise en œuvre de son travail.
Le manager peut aider son collaborateur dans la prise de décision, dans l’arbitrage et la priorisation des actions, à décrypter la complexité des multiples décideurs, des nombreux avis ou divergents. Il s’agit de rester dans sa posture de manager et ne pas déplacer la relation. Le collaborateur n’est pas le prolongement de son manager, il traduit la vision de sa hiérarchie en actions, il interprète et adapte les directives de son manager et lui rend compte de son activité ou lui demande son aide, le cas échéant.
Un de mes mentors, voyant que je lui soumettais mes difficultés, m’a dit un jour, « le pouvoir ne se demande pas, Sandrine, il se prend ». J’ai d’abord formulé mes demandes et mes besoins à ma hiérarchie. Il n’est pas acceptable de déplacer ses responsabilités si nous n’avons pas réussi une tâche, si nous n’avions pas formulé nos besoins pour l’accomplir.
Se doter des moyens d’agir
Ce pouvoir, je l’ai pris, à la seule condition : La différence entre le « Pouvoir de » et le « Pouvoir sur » c’est l’Empowerment (la capacitation), se doter des moyens d’agir en faisant avec l’Autre, les circonstances, la singularité de chacun.
Dans cette course effrénée à la livraison de réalisations tangibles, urgentes, la tentation première est souvent de demander plus ou de ne pas laisser le temps au temps. Ce que j’ai pu mettre à l’épreuve à cette occasion a été la notion de rythme, pierre angulaire de la coordination, nécessaire à mon autonomie et à adopter la stratégie qui me semblait la plus appropriée : Rythme et autonomie sont des vecteurs de réussite qui sont manœuvrés par deux pilotes, le manager et son collaborateur, ils doivent se laisser l’espace de manière alternée, en fonction du contexte et de l’avancée du projet afin de naviguer dans le même sens. L’analogie de l’équipage d’un voilier illustre bien ce propos, savoir manier la voile et la barre en étudiant les éléments afin d’atteindre le port ou gagner la course.
Donner de l’espace pour que la personne se sente crédible et fiable et ait suffisamment confiance en son manager pour lui demander son aide s’il en a besoin. La reconnaissance du rythme de chacun, d’une forme de limite redynamise la relation de confiance. Nous n’avons pas le même tempo. Si certaines techniques managériales sont éprouvées, elles peuvent produire un effet inverse si nous ne respectons pas le rythme de notre collaborateur. En effet, même si nous avons l’impression de perdre un temps précieux dans nos projets ou réalisations, nous misons sur l’avenir et pérennisons la relation et les réalisations futures.
Sa démultiplication par l’écoute et la cohérence du comportement
En situation de demande d’aide, la confiance se prolonge dans la relation « d’intimité » avec son management au travers de l’écoute active et l’empathie si possible.
Le collaborateur s’approprie cette confiance et la véhicule que s’il constate une cohérence dans le comportement de son supérieur hiérarchique. Par exemple, si le manager demande à son collaborateur d’instruire plus en profondeur les dossiers pour apporter une plus grande qualité dans les contenus et qu’il lui ajoute sans cesse des réunions de validation dans son agenda pour détricoter les sujets et les faire retravailler ou s’il ajoute des dossiers non prévus sur la feuille de route sans accepter de « déprioriser » des sujets, le collaborateur ne peut accepter la démarche et la faire sienne. Il perd confiance.
Cette période d’incubation pour écouter est nécessaire pour obtenir un résultat positif et être sûr d’une lecture claire de la démarche. Chaque fois qu’elle a été respecté à mon égard, j’ai constaté ses bénéfices de redynamisation de la confiance, ce renforcement du lien. Créer des conditions d’écoute mutuelle, c’est ainsi, respecter ce temps, créer des « bulles » favorables à la condition d’expression de chacun, une maison commune de langage.
Pourtant, l’écoute active opérée « au mauvais moment » a provoqué chez moi l’effet inverse, j’ai pris la reformulation comme le moyen de me faire changer d’avis et la non-acceptation de mon point de vue, le moyen de m’amener à réfléchir comme mon manager et de passer par les mêmes étapes dans la réalisation de mes tâches. Il faut ainsi traquer ce bon moment, le juste timing, « le kairos » pour se lancer à la rencontre de l’autre. Le temps de l’écoute ne se provoque pas si l’autre n’est pas en posture d’écoute. Il y a donc un temps pour tout, pour prendre connaissance des informations ou pour débriefer, refaire la lecture des évènements passés et décrypter les interactions, décoder les peurs, freins etc.
La bonne écoute ne doit pas partir de soi, au risque d’emmener l’interlocuteur à rester enfermé dans sa propre méthodologie de pensée. Elle doit être tournée vers l’autre, empathique. Ainsi, par ce biais, si mon manager essaie de regarder au travers de mon prisme, je me sens prise en considération à travers mon point de vue, je lui fais confiance dans ses choix et suis prête à relayer sa stratégie. Ainsi, je me sens vraiment écoutée, mon problème reconnu, ceci permet le recadrage positif de la situation. En effet, je suis rassurée et je deviens à mon tour plus compréhensive, l’écoute devient mutuelle.
Reconnaître ses torts
Parfois, la seule écoute « présence » suffit et le collaborateur n’attend pas autre chose de la part de son manager, seulement être reconnu dans sa difficulté, sans jugement et il faut lui laisser le soin de formuler une demande afin qu’il y voit aussi plus clair.
La confiance n’exclut pas le conflit mais elle apporte un apprentissage à condition de comprendre les mécanismes en jeu, les émotions ressenties et viser une amélioration de la situation. La limite à l’exercice est le fait de vouloir « minimiser », même à raison, la situation ou la frustration de son collaborateur, ceci crée l’effet inverse. Le collaborateur se sent incompris, il a ainsi une lecture négative de la situation.
Le fait de reconnaître ses torts (reconnaître son impatience en relançant souvent son interlocuteur, en admettant qu’une nouvelle demande complexifie la réalisation des tâches ou va ralentir le projet…), ou la situation (reconnaître que l’équipe est sous pression et la tâche ardue…), permet à l’autre d’être dans une meilleure dynamique d’écoute et de reconstruction de la relation de confiance. Il se sent moins seul, il n’y a pas à trouver un responsable à la situation, mais seulement comprendre les mécanismes qui ont opéré afin de déverrouiller les peurs, actionner les leviers et relancer ainsi la dynamique de la confiance.
Par ce comportement d’écoute générative, profonde, le collaborateur et le manager peuvent trouver une solution alternative, source de créativité collective qui alimentera leur fonds commun d’évidences, terreau de la confiance.
Il s’agit de se laisser surprendre mutuellement par l’autre, vaincre les peurs et lâcher prise. Par exemple ne pas être en lutte contre son environnement ou le mauvais enchainement des choses avec ses interlocuteurs mais plutôt acter de cette situation, ne pas nager à contre-courant et utiliser son énergie disponible afin de penser la solution ou la séquence suivante. Dans ce cas, notre agressivité, notre impatience ou notre frustration ne se transmet pas et peut laisser la place à la créativité de l’autre qui, alliée à nos propositions fera naître une alternative heureuse à la situation, au départ si compliquée et si intolérable.
Cette autonomie et cette écoute m’auront permis d’accroître mes capacités d’adaptation pour la mise en place de projets pilotes. Ces compétences, je les portais aussi en moi, au travers de mon histoire familiale d’immigration, forcée de repartir de zéro. Ces managers auront finalement été des révélateurs de compétences.