Bashing, trolling : pourquoi ressent-on le besoin de dénigrer ?

Bashing, trolling : pourquoi ressent-on le besoin de dénigrer ?

Le «bashing» (attaque dure, gratuite et préjudiciable contre une personne, un groupe ou un sujet) ou le «trolling» (poster des messages tendancieux sur les forums internet afin d’alimenter les polémiques) sont devenus des sports très populaires. Les réseaux sociaux en sont le véhicule de prédilection, révélant les cohortes de ceux qui sont maintenant communément appelés des «haters». En Suisse, nos politiques – sur le devant de la scène dans la lutte contre la Covid 19 – en sont pour leurs frais, quelle que soit la décision qu’ils prennent. Des prises de position sur des thèmes comme l’accord-cadre avec l’union européenne, les frontaliers, la vaccination et bien d’autres sont régulièrement sujets à des commentaires haineux en bas d’articles de journaux digitaux. 

Réceptacle d’un mal-être 

Mais d’où nous vient ce besoin de critiquer et de juger sans la moindre intention constructive? Quelle raison obscure incitent des gens à projeter leur négativité à travers des critiques de ce que font (ou pas), disent (ou pas) les autres. Samuel Lepastier, psychanalyste et chercheur associé du CNRS en France nous enseigne: «Si nous prenons plaisir à rabaisser les autres, c’est d’une part, parce que dénigrer permet de se valoriser; et d’autre part, parce que dire du mal de quelqu’un, c’est aussi projeter sur lui ce que nous n’aimons pas en nous. L’autre devient le réceptacle de notre mal-être et de nos craintes.»

Nous pouvons ainsi comprendre que critiquer, c’est d’abord porter de manière inconsciente un jugement sur soi. Par exemple, une personne qui n’aime pas travailler peut dire d’une autre qu’elle travaille beaucoup trop, qu’elle-même préfère avoir de moins bons résultats et travailler moins. On critique ainsi pour justifier ses moins bons résultats. Faire face à des situations qui n’ont pas été intégrées émotionnellement, qu’on n’a pas réussi à pardonner, est aussi le terreau de la critique haineuse. Elle est utilisée alors en tant qu’instrument d’humiliation et de vengeance quand nous n’avons pas eu le courage de dire à une personne qu’elle nous a blessé

La critique vient donc nous rassurer dans notre manque d’estime de soi, comme pour minimiser nos propres défauts qu’il nous est douloureux d’accepter: si je rabaisse l’autre, j’ai le sentiment de m’élever moi-même; si je démolis la position de l’autre, je me convaincs de ce dont je doute.

En trouvant un bouc émissaire, on cherche à cacher son incapacité à assumer ses propres émotions

Or, nous sommes des êtres d’émotions. L’envie, la jalousie, la colère ou la peur sont très souvent à l’origine de nos jugements critiques. Mais la critique peut aussi cacher des intentions positives: rappelons qu’un ennemi commun a toujours rassemblé. Pour affirmer notre appartenance à un groupe, il suffit de critiquer les gens d’autres groupes. Comme si le sentiment d’appartenance était plus facile à établir dans le fait de rabaisser plutôt que de complimenter. Dire du bien d’autrui est souvent perçu comme du «frottage de manches», alors que lorsqu’on dénigre quelqu’un, on donne l’illusion de s’affirmer. Se moquer de quelqu’un en le singeant par exemple (un collègue, un chef, un professeur…), est aussi parfois une manière détournée d’exprimer une forme d’admiration, d’envie. 

Trois questions à se poser 

Mais critiquer ne fait pas progresser. Cela engendre des éruptions reptiliennes qui ne débouchent que sur des traumatismes émotionnels et sociaux. Qu’est-ce qui serait alors plus utile pour soi et pour la relation? Dans un premier temps, chercher à comprendre la genèse de sa critique:

  • Qu’est-ce qui me motive à critiquer?
  • Qu’est-ce que je ressens quand je me surprends à critiquer?
  • Quels sont mes propres manquements que je n’aime pas voir dans le regard des autres?

Cela implique un parcours de développement personnel pour apprendre à se connaître, à explorer son chemin de vie et à identifier les sources de cette propension à critiquer.

Ce chemin nous apprendra d’abord à être bienveillant avec nous-même, condition sine qua non pour pouvoir l’être avec l’autre. Avant d’émettre un jugement hâtif, le philosophe Socrate vous incite à vous poser les trois questions suivantes: suis-je absolument certain que ce que je vais dire est vrai? Est-ce quelque chose de bon qui va permettre à mon interlocuteur de se sentir mieux? Ce que je vais lui dire, va-t-il lui être utile? Affirmer sa voix peut se faire de manière respectueuse de l’effort et du point de vue de l’autre. On pourra alors se surprendre à générer des solutions inattendues issues des points de vue antagonistes. 

PHILIPPE VANEBERG 
CAROLE WARLOP
Coaching Square Swiss