Les leviers de la résilience collective

Les leviers de la résilience collective

L’individu au cœur de la création de valeur de l’organisation.

Dans un monde économique de plus en plus heurté, les entreprises malmenées peuvent-elles compter sur l’agilité et l’adaptabilité (la résilience) de leurs employés pour mieux affronter l’adversité, mobiliser de nouvelles ressources et gagner de nouveaux défis ? Oui, sauf que l’activation du ressort d’agilité ne se décide pas sur simple injonction des dirigeants. Un ensemble de conditions, aujourd’hui mieux identifiées, doivent être réunies pour permettre à chacun de mobiliser à bon escient ses ressources personnelles, puis de les apporter – ou non – au jeu collectif. 

Comme il n’y a pas de résilience collective sans d’abord de résilience individuelle, la réponse collective aux situations difficiles de l’entreprise, passe par l’individu et le prisme de ses perceptions positives et négatives. En influant sur son comportement, son envie de faire et son sentiment d’être bien au travail, ces perceptions décideront de son engagement personnel.

En effet, c’est bien l’individu dont l’engagement à créer, à affronter l’adversité, à tisser des liens de collaboration qui influe dans la capacité des organisations à générer une performance durable, qui résiste au temps et aux aléas. Cette capacité d’adaptation dans les périodes difficiles et de défis porte un nom : la résilience.

Le passage de la résilience personnelle à la résilience collective

Ce passage n’est en aucun cas automatique et il est important de comprendre le poids des attentes déçues ou satisfaites de chaque collaborateur pour expliquer l’adhésion collective. Plus chacun se sentira acteur et non sujet du changement, plus forte sera la résilience collective de l’équipe et donc sa performance humaine.

Le passage du jeu d’équipe à la résilience organisationnelle pose le défi de la transformation de toute l’entreprise. La transformation digitale en est un exemple car elle appelle une adaptation de chacun à des changements profonds. Dans ce cas l’accompagnement demande d’agir au trois plans, individuels, collectifs et organisationnels, pour réussir à aligner les enjeux stratégiques et la ressource humaine. Un des défis managériaux les plus délicats de notre temps.

Les conditions de l’apport des résiliences individuelles au jeu collectif

Selon le Professeur Charles-Henri Besseyre des Horts (Professeur émérite HEC Paris), « DRH signifie désormais Directeur du Rassemblement Humain car il a la responsabilité de développer les structures transversales qui rassemblent les individus et les entités. »

Les outils numériques collaboratifs apportent de nouveaux moyens : comment réussir leur appropriation ? Comment les mettre au service d’une plus grande réactivité de l’entreprise ?

Au sein de l’entreprise, les formes organisationnelles qui visent une plus grande collaboration transversale se sont multipliées telles que les groupes projets, les task forces, les équipes virtuelles ainsi que les réseaux formels et informels. Les nouvelles technologies ont fortement contribué au développement de ces collaborations transversales.

La particularité des modes d’organisation transversaux est qu’ils relèvent à la fois d’une démarche « Top-Down » (celle que peut décider le DRH et l’exécutif) et « Bottom-Up ». Cela signifie que la réussite de leur mise en œuvre dépend étroitement du degré d’appropriation des nouveaux processus communs.

L’expérience sur le terrain du cabinet de conseil RHesilience indique que cette appropriation est loin d’être satisfaisante…pire, la compréhension des processus est un des 6 facteurs clés de l’apport de la créativité personnelle au jeu collectifEn effet, les principaux déterminants de l’apport individuel (celui de chaque collaborateur) au jeu collectif ont été définis comme les suivants :

  1. Le partage et la compréhension des enjeux stratégiques
  2. Le soutien managérial perçu (reconnaissance, capacité à épauler les collaborateurs, etc.)
  3. La perception d’intégration dans l’organisation transversale
  4. La qualité de la communication interne
  5. La qualité de la gestion humaine et sociale
  6. L’appropriation des processus communs

Le défi de la transformation digitale passe donc par la capacité à développer à la fois une Communauté d’intérêt et une Communauté de pratiques au sein de l’organisation transversale.

C’est le « Pourquoi » qui décide de l’action et non le « Comment » ! La communauté d’intérêt se fonde sur le sens et les valeurs partagées.

Ce consensus aide à la mise en œuvre opérationnelle des projets et à l’appropriation des pratiques collaboratives. La valorisation de Communautés de pratiques, en parallèle avec les Communautés d’intérêt, assure l’alignement de la ressource humaine aux nouveaux enjeux.

En résumé, la réussite du rassemblement humain ne peut se limiter à la mise en place de nouveaux outils numériques transversaux : elle dépend fortement de l’appropriation humaine de l’ensemble du processus de transformation, du management bienveillant (qui ne s’oppose pas à exigeant) et de la QVT (qualité de vie au travail) ressentie.

Ce que l’on tisse ensemble … approche par la complexité

La complexité est ce que l’on tisse ensemble pour œuvrer collectivement à relever un défi commun. Dans un monde où désormais domine le chaotique, c’est-à-dire un monde imprévisible où chaque acteur détient une parcelle de la solution, par définition la solution n’appartient à personne : elle ne peut émerger que d’un jeu collectif ! En un mot, plus il y a de complexité, de liens, plus ce jeu collectif est riche et efficace.

Cela explique l’engouement actuel pour l’intelligence et le travail collaboratif. Encore faut-il prendre toute la mesure de cet intérêt. Le corollaire de la complexité est la solidarité : plus les liens sont faits de respect mutuel, d’écoute, de soutiens, de reconnaissance de la capacité de l’autre à apporter une idée, une part de solution, plus l’envie de se dépasser est grande. Le succès de l’économie collaborative, de l’économie du partage, de l’échange de biens et services entre particuliers, le partage de logiciels en « open source », les espaces de coworking pour mutualiser les bureaux tout en se sentant solidaires et proches, montrent que cette base solidaire n’est pas aujourd’hui un vain mot.

Mais voilà que le monde, dans son imprévisibilité croissante, et la crise sanitaire actuelle nous l’a clairement rappelé, place les décideurs dans l’impossibilité de formuler seuls une solution. La simple consultation des collaborateurs ne suffit pas et désormais il faut réussir à développer une intelligence collective…mais qui exige une mobilisation de chacun, fortement dépendante de la capacité à nouer des liens forts, confiants et réciproques entre les collaborateurs, les savoirs et les compétences. Pour le manager, il ne s’agit plus de relayer des instructions, mais de créer une communauté d’intérêt et de pratiques.

S’épauler face à l’adversité, une valeur souvent oubliée, mais qui est pourtant une clé majeure de la résilience collective.

Une vraie révolution copernicienne pour le leader qui doit exercer toute sa bienveillance et son exigence à créer, animer et entretenir ces liens. Un facteur clé de cette capacité à tisser des liens repose sur celle à favoriser les solidarités. Face aux changements permanents vécus par les entreprises, le seul jeu individuel n’est plus de mise : le « nous » devient plus fort que le « moi » pour pouvoir envisager de rebondir et de sortir par le haut des difficultés.

Si la résilience ne dépend pas d’une décision autoritaire (celle du chef), mais de la perception des collaborateurs (dans un mouvement bottom-up), alors quels sont les éléments qui forment la qualité de cette relation entre le manager et ses collaborateurs ?

La résilience, c’est-à-dire la capacité à dépasser positivement une situation nouvelle et adverse, est un peu (beaucoup) l’heure de vérité du vécu de la gestion humaine passée. Au pied du mur, chacun fera peser dans la balance la qualité de sa relation au management et à l’organisation.

Le travail de The Affinity Health at Work Research Consortium pointe les 4 perceptions qui déclenchent, ou non, un réflexe de résilience au travail.

Ces 4 perceptions sont relatives à :

  • La perception de la contribution au travail, le sentiment d’appartenance
  • La perception du niveau de bienveillance du management, clé de la confiance mutuelle
  • La qualité de l’identification à la culture de l’entreprise et de son appropriation
  • La qualité de la capacité à gérer les risques, connus et inconnus.

A l’instar du psychologue qui aide ses patients à se libérer de leur souffrance en modifiant leur perception de la réalité, l’entreprise d’aujourd’hui aura intérêt à être à l’écoute de ces perceptions et à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour les transformer en levier de résilience collective ! 

Julie CUILLERET
Psychologue clinicienne, victimologue, criminologue, spécialiste résilience. 
Membre expert Swiss HR Patrol