Réduction du taux horaire: pensez à vos finances avant d’accepter

Réduction du taux horaire: pensez à vos finances avant d’accepter

Bettina travaille pour Alex. A force de se voir, ils tombent amoureux et finissent par vivre ensemble. Peu de temps après, ils ont un petit garçon. La fonction de Bettina au sein de l’entreprise, tout comme son taux d’occupation, ont varié au fils des années, dépendant des nécessités de l’employeur autant que des obligations familiales. Mais l’amour entre Alex et Bettina s’est peu à peu essoufflé.

Une modification de contrat requière un accord

Le dernier contrat prévoyait un engagement à 100%. Le 10 septembre 2014 cependant, Alex a adressé une lettre à Bettina dans laquelle il confirme leur discussion: passer à un pourcentage de 20%, pour des raisons économiques. Dans la foulée, il lui a transmis ses nouveaux horaires qui devaient commencer immédiatement. Il n’est pas clair si Bettina a donné son accord à cette modification, mais elle s’inscrit aussitôt au chômage. Plus tard, elle se plaint auprès d’Alex de n’avoir pas respecté le délai de congé avant de changer son horaire et d’avoir été pénalisée par l’assurance chômage qui a refusé ses prestations durant ce délai.

Alex a diminué le taux d’activité le jour même de l’envoi de la lettre, se basant sur un congé modification qu’il dit avoir discuté avec Bettina. Or, cette dernière affirme ne jamais avoir donné de réponse à ce sujet. Il n’y aurait donc pas d’accord valable.

Selon Bettina, aucun accord quant à la réduction de l’horaire ne peut être pris en compte, puisqu’elle n’avait pas été mise au courant des répercussions financières, notamment concernant les prestations du chômage. Elle affirme en effet qu’elle n’aurait valablement pu accepter une telle réduction qu’au moment où elle aurait été certaine d’obtenir des indemnités de chômage pour compenser la différence de revenu.
Bettina fait valoir qu’elle s’est retrouvée dans l’erreur, car elle ne s’était pas rendu compte que le chômage n’interviendrait pas durant le délai de congé. Autrement dit, si elle avait su qu’il appartenait à l’employeur de payer le salaire inchangé durant ce délai, elle aurait exigé ce versement et aurait clairement manifesté son désaccord quant à la modification immédiate du contrat.

L’erreur était-elle essentielle?

Pour qu’une partie au contrat ne soit pas obligée, il faut que l’erreur à la base de l’accord soit essentielle. Il faut donc que celle-ci porte sur des faits que la loyauté commerciale permettrait, à celui qui s’en prévaut, de considérer comme un élément nécessaire au contrat. L’erreur essentielle doit porter sur un fait subjectivement essentiel, en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l’erreur. Il faut que l’on puisse admettre que subjectivement, son erreur l’a effectivement déterminée à conclure le contrat.
D’autre part, le cocontractant doit pouvoir se rendre compte que l’erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la pousser à donner son accord.

Réduire son activité pour avoir plus de temps

Bettina pensait pouvoir obtenir sans délai, par le biais de l’assurance chômage, le différentiel entre son plein salaire et celui correspondant à son taux d’activité réduit à 20%.
Cette condition était pour elle essentielle. Le tribunal a toutefois considéré que cette erreur ne pouvait pas être considérée comme objectivement essentielle selon la loyauté commerciale. En effet, lorsque les parties au contrat de travail conviennent d’une réduction du taux d’activité, on ne peut pas s’attendre à ce que l’employé compte avec un maintien de son revenu, ni que l’employeur considère les expectatives contre l’assurance chômage comme un élément essentiel. Car en principe, le but de la réduction d’une activité professionnelle est de disposer de son temps différemment et non pas d’obtenir une compensation financière d’une assurance publique. Ainsi, les prestations de l’assurance chômage constituent un critère dans la pesée des intérêts de Bettina, mais il ne s’agit pas d’un élément essentiel selon le principe de la bonne foi en affaires.

Dire qu’on n’a pas donné son accord à une réduction du taux d’activité parce que le chômage refuse ses versements n’est donc pas une excuse valable.

Nicole De Cerjat
Société Suisse des Employés De Commerce/Service Juridique
Rue De L’hôpital 11
2000 Neuchâtel