La question de l’égalité salariale progresse à petits pas

La question de l’égalité salariale progresse à petits pas

Bien qu’inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1981, puis concrétisée par la Loi sur l’égalité (LEg) entrée en vigueur le 1er juillet 1996, l’égalité salariale n’est encore pas réalisée. Selon les statistiques les plus récentes de l’OFS, la différence de salaire entre hommes et femmes en 2016 (secteur public et privé) s’élève à 18%. Pourtant, la discrimination salariale pénalise les femmes et leurs familles à court et long termes, puisque des salaires plus bas ont aussi des répercussions sur les assurances sociales et le niveau des rentes.

Le 14 décembre 2018, le Parlement a adopté la modification de la LEg. Faute de référendum dans le délai imparti, le Conseil fédéral a alors fixé le 21 août 2019 la date d’entrée en vigueur de la modification de la Loi sur l’égalité et de l’ordonnance au 1er juillet 2020.

Selon cette modification, les employeurs qui occupent au moins 100 travailleurs devront exécuter leur première analyse interne de l’égalité des salaires avant la fin juin 2021. Cette analyse s’adresse aux entreprises privées et aux services de l’administration fédérale. Les résultats devront être communiqués aux travailleurs, mais aucune sanction n’est prévue. Pauline Musy, de la Fondation EQUAL-SALARY, répond à quelques questions.

Quel est votre constat de la situation à ce jour en matière d’égalité salariale?

A ce jour, nous savons que la loi n’est pas appliquée dans toutes les entreprises. La modification de la loi est un petit pas dans la bonne direction. Néanmoins, sachant tout le chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre l’égalité, des mesures plus drastiques auraient permis d’accélérer le mouvement.

Cette analyse concernera les entreprises et organismes employant 46% des travailleurs de Suisse (mais seulement 0,9% des entreprises). Quel en sera l’impact?

Il faut savoir qu’à ce jour, la majorité des entreprises ne font pas d’analyse d’égalité des salaires. Beaucoup sont persuadées d’avoir une politique de salaires égaux, jusqu’au jour où une analyse démontre par A + B que ce n’est pas forcément le cas. Cette nouvelle contrainte, va, je l’espère, pousser les entreprises concernées à mettre en place des actions concrètes.

Cette modification légale sera-t-elle suffisante?

Depuis bientôt 40 ans la loi n’est pas appliquée en Suisse, alors non, ce n’est certainement pas suffisant. Cependant, plus de transparence sur ce sujet tabou permettra aux personnes discriminées de justifier leurs revendications. A ce jour, très peu de plaintes sont déposées, alors que les femmes travaillent gratuitement plus de 50 jours par année (voir Equal Pay Day le 22.02.2019 en Suisse).

Souvent, la définition et la mise en place d’actions correctives prennent du temps. La loi devra faire l’objet d’une évaluation neuf ans après son entrée en vigueur. J’espère qu’on ne décidera pas de s’arrêter, et peut-être décidera-t-on alors de mettre en place une loi plus sévère!

Une loi sans sanction?

Effectivement, la nouvelle loi ne prévoit pas plus de sanction que la loi connue jusqu’à l’heure actuelle. Elle amènera une certaine transparence qui est bonne à prendre. Jusqu’à ce jour, nous avons constaté qu’il est difficile de faire respecter la loi en l’absence de sanction. Est-il utopique de croire que cette nouvelle version permettra de nous rapprocher de l’égalité en misant encore une fois sur la responsabilité des entreprises?

Quel sera l’avenir des labels comme EQUAL-SALARY?

Les labels permettent de démontrer la bonne volonté des entreprises de s’attaquer concrètement au problème de la discrimination salariale. A notre époque, parler d’égalité ne suffit plus et les labels permettent de le prouver. Ils pousseront les employeurs à aller une étape plus loin après l’analyse demandée par la loi et ont donc, à mon sens, toute leur place dans le futur.

PROPOS RECUEILLIS PAR LUDMILA SCHINDELHOLZ