Le droit à l’erreur

Le droit à l’erreur

Les différents systèmes de management de la qualité que nous utilisons dans les entreprises ont tous un point commun: la culture de l’erreur, comme une preuve d’amélioration potentielle. L’annonce d’une erreur est devenue un partage d’expérience, pour informer les collègues de la difficulté rencontrée, afin que l’erreur ne se reproduise pas, et pour participer à l’enrichissement et à l’agilité de l’entreprise.

Faire en apprenant

Et c’est nécessaire! Parce que les changements, librement choisis ou imposés, sont notre quotidien et surviennent à un rythme accéléré. Cette accélération des évolutions, qu’elles soient technologiques, sociales ou managériales, implique que nous devons accepter de «faire» en même temps que nous apprenons, quitte à se tromper. Déjà pour une question de rentabilité ! En effet, les «phases-tests», par définition coûteuses, se réduisent comme peau de chagrin, dès lors que la majorité des entreprises recherchent la performance, aujourd’hui non plus pour «engraisser » leurs actionnaires, mais tout simplement pour survivre. Dans un contexte économique morose et instable, c’est bien de survie dont on parle, l’augmentation actuelle du nombre de faillites en Suisse et en particulier en Valais (trois fois plus de faillites en juillet 2022 par rapport à l’année précédente) en étant la preuve.

Ne pas galvauder

Ce nouveau droit à l’erreur est maintenant ancré dans la culture entrepreneuriale. Toutefois, il ne doit pas être galvaudé. Avoir le droit à l’erreur, quand elle est involontaire, ne signifie pas avoir celui d’être négligeant ou de faire n’importe quoi, par manque de sens des responsabilités, de réflexion ou d’implication personnelle, sous prétexte qu’il n’y a pas de sanction.

Remise en question

Commettre une erreur, sans procéder à une remise en question, non seulement du système, mais également de sa propre pratique, ne présente aucune valeur ajoutée. Les questions : «qu’aurais-je pu faire pour que cela ne se produise pas ?» ou «que pourraisje mettre en place pour que cela ne se reproduise plus?» doivent être posées, idéalement par celui ou celle qui est à l’origine de l’erreur ou qui l’a constatée, sinon par la hiérarchie concernée. Et cela même si l’erreur a été provoquée par un défaut d’un système (procédural, technique, informatique, etc..). Là est l’implication personnelle à la fois dans l’analyse de l’incident, dans la recherche de la cause (ou des causes, car un incident est souvent la conséquence de plusieurs causes) et dans la proposition d’une solution d’amélioration. Et lorsque cette implication personnelle se déploie avant même l’incident ou l’erreur, elle devient alors l’une des denrées les plus précieuses de l’organisation.

Arrêter avec le “on”

Se poser les bonnes questions, réfléchir à sa propre pratique avant de remettre en question celle des autres, c’est aussi commencer par bien communiquer pour bien se comprendre, en choisissant le pronom personnel adéquat. Utiliser prioritairement le «je» par rapport à ce que chacun d’entre nous peut apporter aux autres à travers sa propre introspection, passer régulièrement au «nous» qui prouve que «le tout est plus que la somme des parties», privilégier la forme interrogative pour les «tu/vous», bannir définitivement les «ils/elles» qui sont exclusifs et arrêter avec les «on» qui ne sont personne… voilà quelques pistes sémantiques à mettre en oeuvre dans notre quotidien pour nous positionner en individus impliqués, coopératifs et responsables. Cela étant, il faut ensuite que les actes suivent les paroles…

Devenir plus stable

A ces conditions, la culture de l’erreur fait grandir l’entreprise, la rend plus agile mais aussi plus stable et plus sûre. Le bon fonctionnement des processus, une gestion optimale des ressources pour un résultat alliant quantité, qualité et adéquation des prestations fournies par rapport aux attentes du marché sont l’affaire de chacun et de tous à la fois. C’est aussi la meilleure manière d’éviter l’apparition d’un fonctionnement «en silos», lorsque chaque secteur travaille de manière autonome, sans lien étroit ni partage d’information avec le reste de l’organisation. Or, il n’y a pas plus contre-productif et dangereux pour une entreprise que de laisser faire le «chacun pour soi».

ISABELLE GESSLER
PRÉSIDENTE DE DIRECTION
CLINIQUE ROMANDE DE RÉADAPTATION SUVA