Le télétravail, plus adapté aux introvertis?

Le télétravail, plus adapté aux introvertis?

Dans notre société du paraître, de l’hyper-communication et de l’art de la persuasion, être introverti apparaît souvent comme un handicap, voire une tare. L’introverti peut dégager l’image de quelqu’un de timide, de renfermé sur soi, voire d’asocial. On peut se demander alors si les temps que nous vivons, et en particulier le confinement, ne seraient finalement pas accueillis par les introvertis comme une sorte de Graal qu’ils peuvent enfin toucher. Ils peuvent fuir l’agitation du bureau pour travailler dans l’intimité de leur foyer. Il semble qu’il faille relativiser cette conclusion.

Pas forcément discriminant

Pour se faire une idée, il faut sans doute chercher à comprendre ce qu’est l’introversion. Carl Gustav Jung, médecin psychiatre suisse, est celui qui a défini et sans doute le plus approfondi le concept: pour simplifier, l’introverti est simplement quelqu’un qui régénère son énergie en étant seul, en se donnant du temps et de l’espace. On peut comprendre que les openspace ou les co-working qui se généralisent seront pour lui source de stress s’il ne peut, au cours de la journée, se retrouver seul au moins un moment.

Le trait de personnalité comportemental introversion/extraversion a été repris par plusieurs modèles de personnalité en s’inspirant des travaux de Jung: le Big five, le MBTI, Leonardo, etc. D’autres, tels la Process Communication ou l’Enneagramme, ont plutôt cherché la motivation profonde de l’introverti et ne le voient pas nécessairement comme un trait comportemental discriminant. Au sens de la Process Communication, l’introverti se retrouve dans le type «Imaginer»: un type de personnalité qui a pour force d’être quelqu’un de réfléchi, de calme et de très imaginatif. Il a comme besoin psychologique principal la solitude, et plus précisément le temps et le calme. Il est doué pour les réflexions stratégiques et l’imagination de solutions. Sa question existentielle est: suis-je voulu dans ce groupe, cette famille, ce monde? Sous stress, il aura tendance à se refermer sur lui-même et fuir le contact social (pour recharger ses batteries). Bill Gates, Einstein, Alain Souchon ou François Hollande sont des personnalités qui ont le type «Imaginer» pour base, et ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu dans ce monde.

L’Enneagramme décrit le type 5, le «spécialiste réservé», comme le plus introverti des 9 types. Ses qualités sont d’être curieux, inventif, perspicace, non sentimental et autosuffisant. C’est d’ailleurs sa motivation profonde: comprendre le monde, lui donner un sens et être autosuffisant. Il voit le monde comme un endroit qui peut envahir son intimité et croit dès lors qu’il doit s’employer à protéger ses ressources et son énergie. Son mécanisme de défense est l’isolement et se couper de ses émotions. Sa peur fondamentale est d’être confronté au vide. Il préfère se priver que d’accroître sa dépendance envers les autres.

On comprend de ces descriptions que le type introverti n’est pas une personne asociale par essence. Elle a besoin de contacts sociaux autant que quiconque, mais que sous stress, elle peut plus rapidement se fatiguer des autres. Elle aura alors plus besoin de moments de solitude, lors desquels elle peut se retrouver avec elle-même.

Certains introvertis ont signalé que leur niveau d’anxiété était au plus bas pendant le confinement, du moins au début. Mais la motivation des extravertis à multiplier les activités sociales par écran interposé, au-delà des déjà nombreuses réunions virtuelles, tels les jeux de sociétés digitaux, les échanges de recettes, les soirées cinéma, les «apérozoom», est venu mettre un bémol à cette tendance.

Les entreprises ne veulent pas perdre le lien avec leurs équipes et sont préoccupées par la souffrance du manque de contacts et la baisse de motivation de leurs collaborateurs. Il est cependant important de comprendre que les introvertis qui travaillent à la maison ont besoin de moments de calme où ils peuvent réfléchir, se retrouver avec leurs pensées pour décompresser.

Quelques recommandations donc pour que le télétravail puisse convenir à tous les types psychologiques de collaborateurs:

  • Accepter que la «porte numérique» de vos collaborateurs soit de temps à autre close.Prendre un rendez-vous pour un appel peut aider grandement les collègues – qu’ils soient extravertis ou introvertis – à mieux gérer leur emploi du temps, surtout lorsque les enfants font également partie de leur environnement de travail.
  • Prévoyez suffisamment de pauses entre les réunions en ligne pour que les gens ne se sentent pas dépassés et puissent se remettre de la «fatigue du zoom».
  • Faire en sorte qu’il soit acceptable que les gens éteignent leur caméra pendant les appels vidéo de groupe s’ils le souhaitent.
  • Faites savoir qu’il est toujours possible d’utiliser le téléphone à l’ancienneà la place de l’écran.
  • Faites du divertissement virtuel un choix et non une obligation.

Permettre différentes façons d’utiliser les technologies digitales et s’accommoder des préférences individuelles aidera grandement tous les employés à mieux fonctionner dans un monde numérique et à se sentir plus compris et pris en charge en ces temps difficiles.

Philippe Vaneberg et Carole Warlop
Coaching Square Swiss