Un décompte de provision signé est réputé accepté
Tony est représentant. Son salaire est exclusivement convenu à la commission de 16 à 22% sur le chiffre d’affaires brut, payé chaque fin de mois. Aucune participation aux frais, ni aucun montant fixe ne sont prévus. Tony discutait une fois par mois le montant des commissions et un décompte détaillé mensuel était établi. Le salaire se composait ainsi du total des commissions calculées séparément pour chaque commande et chaque décompte comportait la signature des parties. La collaboration s’est toujours bien passée, jusqu’au moment où le chiffre d’affaires de Tony a baissé et que le contrat de travail a été résilié. Tony a fini par faire notifier des commandements de payer à la société qui l’employait. Il se plaint, en substance, que certaines commissions ne lui ont pas été payées, de «mancos» sur certaines commissions et de déductions injustifiées.
Demande tardive?
Le litige porte avant tout sur la question de savoir si la commission minimale de 16% prévue par la lettre d’engagement devait être allouée sur chaque commande conclue, ou seulement sur la somme des commandes réalisées en cours du mois. Ce point est central, car entre 2008 et 2012, 194 commissions s’étaient révélées inférieures au taux de 16%. Tony revendique donc un manque à gagner de quelque 25 000 francs.
L’entreprise employeuse relève que Tony a de tout temps accepté les salaires qui lui ont été versés, en signant les décomptes mensuels détaillés et discutés. Elle invoque qu’une remise en cause de ces décomptes constitue un abus de droit. En s’abstenant de contester les décomptes ou de poser des questions, Tony aurait signifié son accord.
Le silence est souvent sans effet…
Il incombe en principe à l’employeur d’établir à chaque échéance un décompte indiquant les affaires qui donnent droit à une provision. La doctrine n’est pas unanime à propos de l’effet de l’absence de contestation du décompte dans un délai raisonnable. Certains auteurs sont d’avis qu’il s’agit d’une acceptation tacite, d’autres pensent que l’omission de contrôler le décompte en temps utile n’empêche pas des réclamations ultérieures. D’autres encore considèrent que le travailleur doit pouvoir librement faire valoir ses droits pour autant qu’il agisse dans le délai de prescription de cinq ans.
… mais un accord est un accord
Un accord tacite ne peut quant à lui être admis que lorsque l’on doit s’attendre à une réaction du travailleur en cas de désaccord de sa part. C’est le cas lorsqu’il est reconnaissable pour le travailleur que l’employeur déduit un accord tacite de son silence et que le travailleur comprend que l’employeur prendrait des mesures ou résilierait le contrat en cas de désaccord. Dans les autres cas, le simple fait de laisser s’écouler du temps et de tarder à agir ne constitue en principe ni une renonciation à une prétention, ni un abus de droit.
Dans le cas présent, Tony n’a jamais émis de réclamation contre ses salaires, ni contre les documents justificatifs. Au contraire, il a même apposé sa signature sur chaque décompte, pour approbation. Dans ces circonstances, l’employeuse pouvait de bonne foi déduire que Tony s’accommodait des commissions allouées. Le tribunal a relevé que les calculs auraient aisément pu être vérifiés. Le fait de ne pas avoir procédé à un contrôle des calculs pendant les rapports contractuels, mais seulement après le licenciement n’est pas une excuse valable. L’employeuse était en droit d’interpréter la signature des acomptes établis en commun et discutés, comme une renonciation à contester certains montants. Tony doit dès lors se contenter des salaires qu’il a déjà obtenus et acceptés par sa signature.
Nicole de Cerjat
Société Suisse des Employés de Commerce