Mixité en entreprise: et si ça n’était pas une question de femmes?
La mixité entre hommes et femmes est un sujet qui semble omniprésent dans l’espace médiatique actuellement. Depuis le mouvement #metoo, puis la grève des femmes du 14 juin 2019, la question occupe le devant de la scène. Si la prise de conscience des inégalités qui perdurent est salutaire, une certaine lassitude se fait sentir, et ce d’autant plus qu’on en parle beaucoup mais que les choses n’avancent pas tant que cela. Notamment dans les milieux économiques où perdure un manque réel de mixité dans les fonctions dirigeantes. Les femmes représentent seulement 20% de l’encadrement supérieur dans le secteur public et 10% dans le privé, ce qui relègue la Suisse à la 39e place dans le dernier classement du Forum économique mondial.
Les femmes plus diplômées
Comment expliquer cette situation? Peut-être justement parce qu’on parle, mais qu’on agit encore peu. Sans doute aussi parce que les entreprises perçoivent trop souvent la question de la mixité comme un sujet qui concerne les femmes, et pas comme un enjeu stratégique ou prioritaire.
Et pourtant, la mixité est loin d’être une question de femmes! C’est avant tout un enjeu managérial. En effet, si l’on regarde les chiffres, on se rend compte que les hommes et les femmes entrent à parité sur le marché du travail. Depuis plus de 20 ans, les femmes sont même plus diplômées que les hommes. Elles constituent donc un formidable vivier de talents qui devrait se retrouver, de manière équilibrée avec leurs collègues masculins, dans les postes à responsabilité. En effet, statistiquement parlant, il n’est pas possible d’expliquer ce qu’on appelle communément le «plafond de verre». Il n’est pas possible que 80 à 90% des meilleurs talents soient des hommes.
Cela signifie que certains, parmi les «directeurs» d’aujourd’hui, ne sont pas les meilleurs d’hier, mais ceux qui ont été promus au fil de processus ne permettant pas aux femmes d’évoluer. C’est difficile à entendre, c’est pourtant la réalité.
Les arguments usuels pour expliquer ce déséquilibre sont les suivants: faire carrière n’intéresse pas forcément les femmes; elles donnent la priorité à leur vie de famille; dans certains secteurs, il y a très peu de femmes, il est donc logique qu’elles soient rares dans les fonctions dirigeantes. Analysons-les dans l’ordre: certes, toutes les femmes ne souhaitent pas s’investir pleinement dans leur carrière ou n’ont pas envie d’avoir des responsabilités. Cela s’explique aussi par l’éducation qui stimule moins ces ambitions chez les filles, mais ce n’est pas le cas de toutes les femmes. Percevoir quelqu’un via le prisme d’un stéréotype pose le problème de ne pas voir les qualités intrinsèques et les compétences de cette personne. Or, de nombreuses femmes qui souhaitent évoluer se heurtent à une culture d’entreprise qui ne le permet pas. En ce qui concerne la sphère familiale, les organisations ne peuvent évidemment pas interférer avec les choix privés, mais cela fait partie de leur responsabilité de proposer des conditions-cadres qui permettent aux collaborateurs et collaboratrices de concilier vie familiale et vie professionnelle. Là non plus, ce n’est pas une question de femmes! Et les entreprises ont tout intérêt à ne pas se priver des jeunes talents, féminins comme masculins, qui aspirent à un meilleur équilibre.
Changer les cultures d’entreprises
Le dernier argument ne tient pas, car les dirigeantes sont également rares dans les secteurs très féminisés, comme la santé ou les RH. Par ailleurs, dans les secteurs techniques, plus on monte dans la hiérarchie, moins les compétences purement métier sont essentielles, ce sont les dimensions stratégiques et managériales qui font la différence.
Il est donc essentiel de s’assurer que les processus et la culture des organisations permettent à chacun et à chacune de réussir à la mesure de ses compétences et non en fonction de son sexe. C’est une question de performance, d’innovation et d’attractivité, et certainement pas une question de femmes.
Eglantine Jamet
Founding Partner
Artemia Executive